vendredi 21 août 2015

Grand livre des faits divers : l'eau à la bouche


Mon nouveau livre, Le Grand livre des faits divers (éd. Hors Collection), co-écrit avec Nathalie Weil, est en librairie depuis hier. Pour vous donner un aperçu de ce gros volume, en voici l'avant-propos…

Combien d’affaires dans ces pages, combien de faits divers terribles, sanglants, sordides réunis ici ? Plus de soixante-dix, ce qui n’est pas peu, on en conviendra. Mais combien de crimes cela recouvre-t-il, combien de morts violentes, combien de cadavres semés de chapitre en chapitre ? Le compte serait effarant à coup sûr, nombre des meurtriers assemblés dans cet ouvrage ne s’étant pas contentés de tuer une fois : deux morts pour les sœurs Papin, quatre pour Marc Dutroux, cinq pour Jean-Claude Romand, sept pour Michel Fourniret, une dizaine pour Jeanne Weber, onze pour l’élégant Landru, dix-huit pour Thierry Paulin…  Triste et tragique comptabilité qui ne dit rien de la réalité de ces histoires, ni du désarroi des victimes, ni du parcours et des motivations des coupables. Pas question, on le comprendra, d’établir ici des records ou des palmarès de l’horreur, mais bien d’essayer de saisir les ressorts profonds de ces actes, d’approcher un peu du mystère de ces tueuses et de ces tueurs qui ont, chacun à leur manière, défrayé la chronique au cours des dernières décennies.

Pour y parvenir, nous avons regroupé ces affaires, qui couvrent tout le XXe siècle dans notre pays (à quelques exceptions et ouvertures internationales près), en diverses catégories thématiques, selon des critères de différentes natures : le mobile des criminels, leur motivation, leur mode opératoire, leur profil, le lien particulier qui les unit à leurs victimes, etc. : crimes familiaux ou en série, crimes vénaux ou par passion, crimes de haine ou crimes de couple… À chaque fois, avant de plonger dans le grand bain du récit de crimes emblématiques, nous avons tenté de faire apparaître les caractéristiques spécifiques de chacune de ces catégories, d’en souligner les traits communs et les lignes de force. À chaque fois également, nous avons choisi d’aller plus loin que la seule psychologie ou que l’éclairage d’autres disciplines pour décrypter ces histoires en s’aventurant du côté des artistes : comment la littérature, le cinéma, le théâtre… s’emparent d’un crime réel et en font autre chose, une œuvre subjective, une relecture complète, qui marque les esprits et, parfois, s’impose sur la réalité.

En multipliant ainsi les angles pour parler des faits divers, nous avons voulu cerner non seulement les tenants et aboutissants de ces affaires, non seulement leurs récurences, leur contexte, leurs répercussions, non seulement le profil des criminels… mais aussi la fascination que ces histoires de sang et de mort exercent depuis toujours sur l’opinion publique en général et sur chacun d’entre nous en particulier : c’est ce dont témoigne la multiplication à l’infini de comptes-rendus dans la presse, d’ouvrages de toute nature et d’émissions de télévision aux scores d’audience flatteurs.
Cette popularité du crime ne se dément pas, bien au contraire, au fil du temps. Pourtant, suivant les périodes, ce ne sont pas toujours les mêmes types de crimes qui font la « une » des journaux et bouleversent leurs lecteurs : les assassinats d’enfants sont depuis longtemps considérés comme les pires, les plus abjects, ceux qui les commettent présentés comme les pires des monstres. Ranucci, Patrick Henry, petit Gregory… on ne compte plus les affaires dont les enfants furent les victimes qui ont ainsi bouleversé la France. Depuis quelques années, bien aidés par l’inflation de films les mettant en scène, les tueurs en série et leurs macabres parcours les ont rejoint au fronton médiatique du fait divers.

Chaque époque a ses crimes représentatifs et symboliques, et certaines de ces affaires sont entrées dans l’Histoire, soit par leur résonance dans la société, soit par les débats qu’elles ont alimentés, accompagnant parfois des changements législatifs majeurs, notamment autour de la peine de mort et de son abolition : de ces échos, qui dépassent le seul cadre des faits divers relatés dans ce livre, nous avons également voulu porter témoignage.

Pour autant, aussi large que soit le panorama du crime que nous avons voulu saisir, il n’en reste pas moins partiel. Les catégories que nous avons identifiées et déclinées ont beau être vastes, elles ne couvrent pas tout le champ des possibles : on ne croisera pas dans ces pages de morts consécutives à des violences conjugales, pas non plus d’assassinats liés au terrorisme ou de morts découlant d’actes de grand banditisme… Pourquoi ? Parce que nous avons choisi de ne pas traiter des morts accidentelles (suite à des coups mais sans intention de tuer, ou de fusillades pour protéger une fuite…) ni des crimes idéologiques commis par un groupe (politique le plus souvent) constitué.

En dépit de ces absences, parcourir ce livre, c’est constater l’immensité du continent criminel. C’est aussi en percevoir l’infinie complexité : il n’y a jamais une cause unique à un crime, jamais une seule explication n’est suffisante pour le percer à jour. Et nous ne prétendons pas épuiser l’énigme des motivations humaines. L’organisation des chapitres de cet ouvrage en porte la trace : les faits divers qui y sont racontés ne se limitent pas à la catégorie dans laquelle ils sont classés. La plupart les excèdent, correspondent à l’évidence à l’une tout en relevant aussi d’une ou plusieurs autres. Marc Dutroux, par exemple, abordé dans le chapitre « Séquestrations » est aussi un tueur en série, et il est coupable de crimes envers des enfants… Nous l’avons rangé dans cette catégorie parce que cette dimension de ces crimes — l’enfermement, pour de longues périodes, de ses victimes avant leur mort — est très singulière, très marquante et, pour tout dire, déterminante dans l’appréhension de ses actes. Cette porosité entre les histoires et les chapitres confirme bien, au-delà des drames qu’ils recouvrent, l’incroyable richesse humaine et psychologique des faits divers. C’est ce qui les rend captivants, insaisissables, passionnants. C’est ce que nous avons eu l’ambition de transcrire avec ce livre…



jeudi 20 août 2015

Mon nouveau livre en librairie ce 20 août !

Le Grand Livre des faits divers, mon nouveau livre co-écrit avec Nathalie Weil, est en librairie. Il est grand, il est beau, il est formidable avec ses 70 histoires de grandes affaires du XXè siècle (d'Eugen Weidmann à Marc Dutroux, des sœurs Papin à Thierry Paulin, de Jeanne Weber à Jean-Claude Romand…), ses catégories de crimes analysées (crimes familiaux, en série, vénaux, sur enfants…) et ses ouvertures sur les œuvres culturelles inspirées par ces faits divers qui ont marqué leur époque. Il est publié aux éditions Hors Collection.


mardi 4 août 2015

A vif !, chronique pour Hétéroclite (mai 2015)

Deux romans qui s'efforcent de débroussailler la mémoire de leur héros, et le secret gay qui y est enfoui. L'un est une réussite, l'autre beaucoup moins. Pourquoi ? C'est ce que j'essaie de démêler dans cette livraison de ma chronique culturelle d'Hétéroclite, Feux croisés.

Au début, ce n'est pas douloureux. A peine plus qu'une légère démangeaison. On s'en rend à peine compte. On effleure d'un ongle distrait et puis cela passe, on l'oublie presque. Mais il suffit de gratter, doucement d'abord, puis plus intensément, plus régulièrement, et voilà que ça obsède, que ça occupe tout l'espace de nos pensées. On ne peut s'empêcher de gratter encore et encore, jusqu'au sang, jusqu'à s'en arracher la peau. C'est devenu vital de se débarrasser de cette rougeur, qu'importe ce que l'on trouvera dessous, et tant pis si cela doit faire plus mal de mettre à vif. Au début, pour le jeune héros de Une autre époque, ce n'est pas douloureux cette absence de son père. Il ne l'a jamais connu, juste une photo dans sa chambre, ne s'est jamais intéressé à sa vie ni à sa mort, quelques semaines à peine après sa naissance. En regardant un beau jour cette photo unique, il remarque un détail, une montre qui aurait pu être son héritage et qu'il n'a jamais eue… Il a 17 ans, et il commence à gratter, gratter, gratter jusqu'à mettre à nu à non les non-dits, les secrets, les amours cachées, les désirs interdits, la honte venue de ces lointaines années 50, la passion tragique… Il y a quelque chose de Modiano dans la manière dont Alain-Claude Sulzer remonte le temps, marche sur les traces du passé à la suite de son jeune héros, se heurte aux fantômes, aux adresses perdues, aux silhouettes surgies du néant, aux vies qu'il n'avait jamais imaginées. Un Modiano hanté par la question de l'homosexualité, comme dans ce Garçon parfait grâce auquel on avait découvert l'écrivain suisse et son écriture diaphane, tout en délicatesse et effleurements des sentiments, presque rien, c'est-à-dire l'essentiel. 
Tout le contraire du clinquant à l'œuvre ailleurs, dans ces livres "révélation" à la Richie, l'enquête de Raphaëlle Bacqué sur l'ex-directeur de Sciences Po, Richard Descoings, et ses sulfureux désirs. Elle gratte elle aussi, comme par habitude, elle dévoile elle aussi, des secrets d'alcôves, des anecdotes scandaleuses, un couple puissant (Descoings et le patron de la SNCF), pourquoi pas un lobby gay… C'est écrit comme un long article, à coup de formules et d'images choc. C'est un peu triste, un peu vain. Il n'y a pas grand chose à y lire une fois que l'on connaît les faits…

Alain Claude Sulzer, Une autre époque, éd. Actes Sud/Babel
Raphaëlle Bacqué, Richie, éd. Grasset.

Mourir, la belle affaire…, chronique pour Hétéroclite (avr. 2015)


Je rends hommage dans Feux croisés, ma chronique culturelle pour Hétéroclite, à l'écrivain Eric Jourdan, mort dans l'indifférence quasi générale des médias.

Il faut parfois la mort pour que des noms resurgissent de l'oubli. C'est triste et c'est terrible, mais la force des artistes et des écrivains, pour peu qu'ils aient du talent, est de se survivre en dépit des aléas des temps et des modes. Début février, Eric Jourdan est mort, et il y a fort à parier que cela ne dit pas grand-chose à grand monde. Peut-être est-ce lié à cette discrétion qu'il choisit toute sa vie. Peut-être est-ce lié à une œuvre souvent réduite à un roman d'adolescence dont l'incandescence pédée lui valut, en 1955, d'être censuré pour trois décennies. Peut-être est-ce lié à l'ombre portée de son père adoptif, l'un des grands auteurs classiques du siècle dernier, à l'homosexualité tourmentée par sa foi, Julien Green. On ne lit plus guère d'ailleurs, et on a bien tort, ni l'un ni l'autre. Il y a quelque chose d'impressionnant, de marmoréen, d'intimidant dans sa rigueur dont on comprend qu'elle retienne de se plonger dans Green, en dépit de la beauté de langue et de la lutte intime qui s'y joue entre le corps et l'aspiration au divin. 
Mais Jourdan c'est tout autre chose, une écriture solaire, violente, crue, lyrique, des sentiments exacerbés, des désirs qui s'incarnent ô combien. Il suffit pour s'en convaincre d'ouvrir Les Mauvais Anges, ce roman-scandale que Jourdan rédigea à l'âge de 16 ans et qui relate la passion sensuelle et charnelle de deux cousins un bel été en touraine. Peu à peu, l'exaltation de la passion fait place à une tragédie inéluctable, celle, sublime, d'une jeunesse sans concession. C'est beau, cruel, troublant, d'une liberté qui donne le frisson, à la fois très classique dans le style et profondément transgressif : ce sera toujours la marque d'Eric Jourdan. Longtemps introuvable, son œuvre est dispersée chez divers éditeurs, parfois en poche. C'est le cas de ses Anges si sexués bien sûr, mais aussi de ces textes puissants, hantés par le désir, l'histoire, le destin et la beauté des jeunes hommes que sont Saccage, Le Garçon de joie, Le Songe d'Alcibiade ou Lieutenant Darnancourt. Il faut lire Jourdan, parce que la mort n'est pas une fin.

Sur Arte pour parler de Ed Wood (22 mars 2015)

Arte consacre son toujours intéressant et très décalé magazine Personne ne bouge au travestissement. Il y est question de La Cage aux folles, de Freddie Mercury, de Mrs Doubtfire, de Conchita Wurst et de plein d'autres choses. Dont Ed Wood, considéré comme "le plus mauvais cinéaste du monde", qui avait, entre autres particularités, celle d'aimer porter des pulls angoras et des vêtements féminins, et qui signa avec Glen or Glenda ?, en 1953, un des premiers films sur le travestissement et le transsexualisme… Je suis invité à évoquer cette figure pittoresque et touchante à qui Tim Burton a rendu hommage dans son film Ed Wood.

Les infos sur l'émission sont ici
http://www.arte.tv/guide/fr/056816-009/personne-ne-bouge

Podcast de l'émission Homomicro du 7/03

L'invité d'Homomicro, l'émission LGBT de Fréquence Paris Plurielle (106.3), est l'écrivain et réalisateur Abdellah Taïa pour son très beau film tiré d'un de ses romans, L'Armée du salut, à propos duquel j'échange avec avec lui.

Le podcast est en ligne ici



Exercice d'admiration, chronique pour Hétéroclite (mars 2015)

A priori, difficile de trouver plus dissemblables que le trublion Bruce LaBruce et l'académicien Dominique Fernandez. J'essaie pourtant dans la nouvelle livraison de Feux croisés, ma chronique culturelle d'Hétéroclite, de les faire dialoguer…

C'est comme dans Gerontophilia, le dernier film de Bruce LaBruce : on adore la beauté lumineuse et l'intelligence instinctive de son jeune héros, et on s'incline devant le parcours, la personnalité, la richesse du vieillard dont, à la surprise générale, l'éphèbe s'éprend. L'admiration est ainsi, elle ne fait pas de différence, elle s'offre à des êtres, des objets, des œuvres dont la diversité, les différences voire les divergences se complètent et se conjuguent. En ces temps de cynisme généralisé, en cette période où la médiocrité est tant valorisée, il faudrait se répéter en boucle cette phrase nichée dans l'introduction des Amants d'Apollon, le dernier essai de Dominique Fernandez : "On ne peut se construire sans admirer." Et tant qu'à faire, l'académicien de 85 ans nous invite ici à admirer d'abord des chefs-d'œuvres et des génies, en revisitant sur un mode gay la culture classique, de Ganymède à Gide, et ses modèles. C'est comme toujours chez lui lumineux et érudit, profondément engagé, daté parfois (on ne renie ni son âge ni sa génération), contestable heureusement. Mais cela a cette vertu essentielle de nous ancrer dans une histoire, et donc de nous aider à nous comprendre et à comprendre notre rapport historique à la société dans laquelle on vit, cette société complexe qui accepte le mariage pour tous mais où prospère en parallèle l'homophobie, et où des gays, dans toute la bonne foi de leur ignorance crasse, pensent que c'est du côté de l'extrême droite qu'ils peuvent s'épanouir. 
Admirer les classiques. Admirer les modernes, ceux qui réinventent le rapport de l'homosexualité au monde : Bruce LaBruce et son goût de la transgression même dans la romance, Céline Sciamma et son énergie qui se joue des genres, Xavier Dolan et l'évidence décomplexée avec laquelle il pose ses personnages dans leurs identités singulières, ou même l'inconnu Hong Khaou, dans la tendresse jamais mièvre qu'il met à dessiner les relations entre un veuf gay et la mère de son amant. L'admiration est une façon d'être au monde qui n'empêche pas la colère ou la lucidité, c'est un exercice exigeant qui nous construit en nous reliant aux autres, ceux d'hier et d'aujourd'hui. Il faut admirer.

Dominique Fernandez, Amants d'Apollon, L'homosexualité dans la culture, éd. Grasset, 25 €.
Gerontophilia, de Bruce LaBruce, DVD Epicentre Films.

Podcast de l'émission Homomicro du 28/02

Le Portugais Joao Pedro Rodrigues est pour moi l'un des plus grands cinéastes gay actuels, l'équivalent contemporain, pour sa recherche formelle, sa rigueur intellectuelle et son engagement d'un Pasolini ou d'un Derek Jarman. O fantasma, Odete, Mourir comme un homme… tous ses films sont réunis en un coffret DVD pour lequel je m'enflamme dans Homomicro, l'émission de Fréquence Paris Plurielle (106.3) à laquelle je collabore irrégulièrement.

Le podcast est en ligne ici 
http://www.homomicro.net/wp/wp-content/uploads/2015/02/HOMOMICRO-23-02-2015.mp3

Premier festival Hors Clichés à Besançon (mars 2015)

Un nouveau festival LGBT, c'est un événement. Quand ça se passe à Besançon, la ville où j'ai fait, il y a un certain nombre d'années, une partie de mes études, je suis encore plus heureux d'y participer et d'y apporter, modestement, ma contribution, via une conférence sur le thème "Méchants gays, vilaines lesbiennes". Le public est venu en nombre à cette première édition de Hors Clichés, et notamment à cette intervention illustrée d'extraits de films. Le festival et ma présence ont intéressé L'Est Républicain qui m'a consacré deux articles à cette occasion.




Homomicro fête ses 10 ans : podcast de l'émission du 12/02

Je ne collabore que depuis quelques mois à Homomicro, l'émission LGBT de Fréquence Paris Plurielle (106.3), mais j'y ai été auparavant invité à plusieurs reprises par Brahim Naït-Balk et son équipe pour parler de mes livres. En ce début 2015, l'émission fête son dixième anniversaire avec un programme spécial et passionnant de plusieurs heures, réunissant de très nombreux invités et contributeurs. Je participe à cet événement pour parler des évolutions des images homo au cinéma durant cette période. Bel anniversaire à Brahim et à tous les intervenants de Homomicro !

Le podcast est en ligne ici