Pascale Morelot-Palu a intitulé Un
souffle de mur sa dernière série, puisque c'est ainsi qu'elle fonctionne,
par séries qui s'étendent et se déploient dans le temps et l'espace, qui se
complètent dans leur dispositif et se déclinent dans leurs motifs, à
l'intérieur de chacune et entre elles toutes.
Un souffle de mur donc, après Les
Murs révélés et Les Murs sauvages,
autant dire une appropriation moins physique, moins concrète, moins inscrite
dans la matière de ces fameux murs autour desquels, artiste ou architecte, elle
ne cesse de tourner, de se cogner, de se retourner pour en explorer toutes les
acceptions, psychologiques et organiques, historiques et mythologiques. Elle
dit elle-même qu'il s'agit là, dans son projet et sa technique de récupération
pour cette nouvelle série de surplus de peinture gratés sur d'autres tableaux,
de donner corps à une "idée de mur"
; et l'on entend comme en écho à cette "idée de mur", à ce
"souffle de mur", le titre polysémique et ludique d'un beau
documentaire d'Agnès Varda sur l'art des graffeurs et autres street artists de
Los Angeles, Mur Murs. Autant dire,
concernant ce qu'entreprend Pascale Morelot-Palu avec cette nouvelle variation
sur ce même thème qui est le cœur battant de son œuvre et de sa réflexion, que
l'on peut aussi sans mal lire "Murmures".
Car voilà ce qui se joue ici fondamentalement, dans le contraste
saisissant entre murs et murmures, entre le solide et le souffle, entre
l'aplomb de la toile et la légèreté presque instable de ce qui s'y dépose juste
en surface : quelque chose comme l'invention, la ré-invention plutôt, par
l'effet du hasard et du fantasme, de la nature du mur. Mur imaginé. Mur
imaginaire. Mur flottant. Mur virtuel. Mur rêvé. Mur suggéré. Mur chuchotté.
Mur… Mur… Murmure…On y revient, et l'on se rend compte face à ces toiles que le
mur est un concept plus riche encore que ce que l'on pouvait soupçonner…
Il y a là, dans cette rencontre d'une matière ressuscitée, d'une
peinture ayant eu déjà une vie antérieure sur d'autres tableaux, et d'une
surface vierge afin de donner vie à de nouvelles œuvres, une forme
d'aboutissement de la démarche de Pascale Morelot-Palu dont on devine déjà à
quel point il s'annonce fécond. Un
souffle de mur est la conséquence de son acharnement, dans ses séries
antérieures, à déconstruire (en grattant les épaisseurs de peinture accumulées,
pour faire surgir des couleurs et des formes) et à reconstruire (en ajoutant
une figure ou une tache) pour mieux mettre en exergue. Non plus désormais l'archéologie
de ces murs recréés qu'elle mettait à nu à force de dépouillement de leurs
strates successives. Non plus la charge de passé, le poids d'histoires
anciennes qu'ils portaient. Non plus la volonté de souligner d'un trait, d'une
marque, d'une esquisse, le rôle ou la fonction de ces murs. Non. Ici, les
couleurs et les coulures, les masses et les vides, les gestes longs et les
zébrures, la puissance imposante des noirs et l'élégance inouïe de certains
encéphalogrammes ou de divers cernes d'arbres fusant d'on ne sait où, imposent
seuls la réalité, ou l'irréalité c'est selon, des tableaux, et donc des murs
qui s'imaginent sur la toile.
Murs sauvages, murs révélés, c'était hier même si cela doit se
poursuivre encore et encore parce que le processus créatif que Pascale
Morelot-Palu a généré ne s'épuise jamais, et que son art se nourrit d'une
production à l'énergie inusable, jamais rassasiée d'elle-même. Mais
aujourd'hui, d'un geste sauvage, presque inconsidéré, ce sont des murs surgis
de nulle part qu'elle révèle. Souffles de murs puisqu'il en est ainsi. Et c'est
pareil et infiniment différent. Pareil parce qu'on reconnaît sans l'ombre d'un
doute la manière de faire de l'artiste. Et différent parce qu'il y a, dans
cette série, une forme de mélancolie douce, de présence-absence, de mystère
merveilleusement impalpable, qui ne se soupçonnaient guère jusqu'alors, comme
si ce Souffle de mur, ce singulier
murmure, était un secret que Pascale Morelot-Palu acceptait enfin de dévoiler…
Galerie Burdeau, 28 rue Burdeau, Lyon, à partir du 5 septembre.